Vous êtes ici

Compagnie, marche !

Pas de nouveau spectacle en création cette rentrée-ci, alors que certains des précédents continuent à tourner. Participation à trois créations extérieures, dont deux seront envisagées comme co-production. Voilà l’occasion de faire le point sur le fonctionnement de la compagnie : elle n’est pas une structure subventionnée, se débrouille avec ses propres recettes pour assumer l’administration, ses sites web et différents frais ordinaires. Pour établir des maquettes aussi, et toutes sortes d’ébauches. Sa liberté est de n’avoir aucun autre cahier des charges que celui que nous fabrique les années écoulées. Continuant à devenir ce que nous sommes, attachés aux textes, attachés au Nord, à la poésie et à la musique, assez occupés du métier de comédien au cinéma, à la télévision comme au théatre ( nous y reviendrons). Occupé aussi par la transmission, la pédagogie avec différents stages menés depuis trois ans. Ce qui est flagrant dans toutes ces pages, c’est que la Compagnie parle et parlera un peu, beaucoup, essentiellement de Jacques Bonnaffé. En compagnie de lui-même alors ? Compagnie faisan, l’oiseau assemble des couleurs, espérons que s’y lise aussi son désir d’éclater les interventions, ce qui pourrait être une obligation chez d’autres : apparaitre et créer dans des endroits très variés.

(suite) Allégorie supplément

Eclater les interventions, ce pourrait être une obligation chez d’autres : apparaitre et créer dans des endroits très variés. Lorsqu’on aime les belles situations bien pourvues, les lieux de diffusions avantageux, les salaires conséquents, il reste des engagements à couvrir, au nom de la mission publique. Des missions « public ». Dire ici, mes colères passagères depuis longtemps, (ce devait être en 83), de constater combien les mieux pourvus n’avaient de cesse d’améliorer leur place, tâchant où ils étaient d’en prendre davantage, pour finalement assez peu contribuer aux développements périphériques. Les cumuls de postes, les raisonnements gestionnaires, la manie des regroupements, ces prospérités passagères, ne devraient pas se dispenser d’un examen critique. La facile équation de l’enrichissement qui profite à tous s’est avérée fausse. Seul l’enrichissement des riches devient une règle générale asphyxiante. Je parle du monde, du marché et bien tristement du théatre. Pourtant, on a pu constater, au cours de l’année écoulée que l’intensité ne se mesure ni à la jauge publique ni aux rumeurs d’un nom, mais sur place, dans ces instants simples et grandioses, si forts qu’on se sentirait prêts à risquer nos peaux pour défendre ce droit d’entendre des textes, des musiques et voir des corps, vivants ou sauvages, hors des standards communicants. Rêver aussi pouvoir étendre ce droit à tous sans les procédés du bourrage promotionnel, Barnum à toutes les fenêtres et les amis bien placés, Olé ! Le théatre oblige à cette notion de terrain qui disperse ces hiérarchies, et si l’on ne parvient plus à le nommer populaire, rappelons à ceux qui voudraient le restreindre à quelques lieux d’excellence, qu’il ne pourrait y avoir divertissement sans émeute dès qu’on envisage d’en faire un art destiné à ceux qui s’y reconnaissent. Cela vient foutre par terre l’effort de représentation du monde, vieux comme les planches.

(Fin de la période allégorique). Pour le dire simple et très concrètement, il n’est pas attendu du directeur metteur en scène du festival d’Avignon par exemple, qu’il claque la subvention chèrement méritée, (des années de lutte et d’intrigues), dans plusieurs spectacles In intramuros, mais qu’il aille aussi fomenter du «  Out » dans les quartiers de Marseille, les zones d’Aix, d’Orange ou de Pont Saint Esprit, et cette critique s’étend à d’autres pour qui l’attribution d’une aide exceptionnelle ne devrait pas se limiter aux co-productions magistrales, aux tournées princières mais à la mise à disposition de leur expérience et de leur réseau à des jeunes compagnies, inventer des parrainages et des dispersions. En gros cesser de citer dans le texte Villard et les pères de l’action théâtrale, pour déjà se décentraliser dans les têtes et dans les initiatives. Il nous restera toujours à être d’avantage sur le terrain, et quitter les sommets encombrés.

Ce constat n’est pas une déploraison, le théatre public et le spectacle vivant se portent bien en France, les fonctionnements de façade dénoncés ici ont aussi produit leur réussite à leur manière. La grande frousse présente serait plutôt de voir étouffer un combat acharné pour la diffusion, l’art et l’intelligence au nom du divertissement et d’un accès simplificateur dans la logique opportune d’amadouer ces cochons d’électeurs.

Ajouter un commentaire