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Serie Œ, par Mr Deep himself

Les questions se bousculent après Avignon. La première sous forme de surprise c'est qu'Avignon existe, y jouer relève de la prise de conscience. Ce qu'on ne peut s'empêcher de nommer travail occupe les spectateurs. Ils nous parviennent quelquefois épuisés, rien n'est plus risqué que d'intervenir à 22 heures en pleine nuit. Est-ce résistance à l'énorme foire commerciale à théâtre qui s'ouvre aux marcheurs dès l'arrivée en ville, ou perplexité devant cette excentricité du libre choix qui place la facilité ou le détournement comme critères d'excellence, le public cherche son orientation et paraît se craindre lui-même (ce qui peut se comprendre en pics de surpopulation). De quoi je veux parler ? Du sentiment trouble qui s'est propagé lorsqu'on s'est rendu compte que nous avions voulu faire du théâtre. "Sous l'Oei d'Oedipe", un texte joué, dernière des pesanteurs quand rien ne compte.

Au blog je ne me livre pas souvent, à croire que j'ai du mal à me confier. Ce n'est pas faux et je me le suis déjà entendu répéter, d'autant que lorsque j'éclate il est trop tard. C'est un peu l'explication de cet Oedipe en série, ma réaction soupe au lait : raconter mes occupations dernières en scène et comment elles ont failli mal tourner sous le vent mauvais des critiques. Lorsqu'on s'en reçoit une volée, ça marque et profond. Nous faisons du théâtre pour être appréciés, c'est assez vieux-genre mais ça reste une option, celle par exemple qui nous a permis d'ouvrir la partie en beauté à Lausanne, avec la création de "Sous l'oeil d'Oedipe " écrit mis en scène par Joel Jouanneau où j'interprète, cède la place à, ce trop fameux inverseur et martyr, ci-devant roi de Thèbes, grec ancien grec moderne, Oedipe. Ceci mi-juin avant qu' advint Avignon où le spectacle fut joué trois semaines, ça cogne et j'en reviens à peine. De la part du public, ce début suisse était de l'amour et, autant l'avouer, proprement dégueulasse lorsque l'hygiène élémentaire commande de détester ce que trop d'hébétés acclament en choeur. Distinguer ce qui se plaît à déplaire garantit une meilleure place au banquet. Je vais m'expliquer, revenir en épisodes sur cette histoire. Joel Jouanneau vient de m'écrire qu'il ne faut pas garder rancoeur, lui saura. Me revient en mémoire les indignations théâtrales de Jacques Lassalle, bouté de la cour d'honneur par les salves de couacs ou de plumes, et se répudiant lui-même. Ceci ne l'empêcha pas de faire ensuite de "la Douleur" de Duras un bien meilleur spectacle, et moins cher, que celui griffé Chereau (n'y voyez presqu'aucun jeu de mots). Retour au festival, je ne savais pas, j'avais oublié que s'y pratiquait un art voisin de la tauromachie, des banderilles à l'estocade, manière de rendre à la Cité son maigre pouvoir d'effroi, et retourner d'une cape virevoltante le verdict cinglant sur l'Oeil d'Oedipe: bannissement. Pour Thèbes, l'ostracisme garantit à la ville sa cohésion, l'oracle désigne la victime expiatoire. Son expulsion opère une sauvegarde de l'ensemble honorée ici de quelques pichenettes au moment des bilans : René Solis pour Libération redit que cela fait beaucoup de texte Oedipe, quand Salino du Monde en trouvait, elle, trop peu, accusant d'un effet condensé Berlitz de ce qui s'affirme comme une ré-écriture plus qu'une adaptation. Sachant que la tièdeur dénoncée par le premier nous a valu deux spectateurs mal en point, tournant de l'oeil au moment de la mutilation d'Oedipe,"Que pouvais-je encore voir qui m'eût éclairé", nous sommes rassurés de n'être pas allé plus chaud, donc d'avoir à ce point comblé les donneurs de tendance qui trouvaient là cible où délasser leur reins tiraillés. Monsieur Ferrari du centre d'art expliquait à une spectatrice que voulez vous, en fin de journée après deux spectacles c'est vraiment trop d'attention ces tragédies. Souhaitons à l'hyper-entreprise festival de régler cette question des durées à sa guise, en attendant Joel a fait une sacrée bêtise de placer notre horaire à vingt deux heures plutôt qu'à dix huit, c'est d'ailleurs la seule que je lui connaisse en cette affaire, toutes les autres lui vont bien à lui, et nous l'aimons, nous, pour cela que c'est à prendre ou à laisser. Venant d'un metteur en scène qui ne fit jamais de concession sur ces choix d'auteurs et toujours a trouvé public, eu l'élégance de laisser Labiche ou Feydeau, Tchekov au pressing pour d'autres remises à neuf, rares ou délibérément folles. Merci à lui. Que ces notes et celles à suivre remplacent l'hommage qui lui était simplement du, ainsi qu'à certain vrai public qui nous remercia d'avoir donné du théâtre, l'autre se contentant de posséder déjà toutes les références en même temps que les réservations d'avance.

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