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Le regard de La Voix

Article destiné à La Voix du Nord, dans le cadre (très chiche) d'une invitation à des personnalités de la région pour exprimer un point de vue. Definition 1700 signes ! Je suis encore en train de m'entraîner (articles à suivre) mais je n'y suis pas parvenu vraiment. Voici le brouillon long.

Le regard de Jacques Bonnaffé ? Bleu. Du Nord, bleu de travail ! Comme on aurait pu dire bleu de chômage à c't'heure. Genre t'as d'beaux yeux tu sais vu qu'il fait l'acteur. Tout le boulot c'est dans les mirettes (Gabin qui disait ça, parlant mécanique et outillage). Qu'est ce que je vois ? Son regard dans la Voix ? C'est contorsionniste ça « le regard dans la voix », aussi tordu que de cligner des oreilles ou bien de rêver des genoux. Comédien ! Justement ses oreilles ! Quand il écoute commint qu' les gins i causent ichi, i n'en crot pas ses yeux ! Cet accent drôle, il a beau être habitué, ça reste un choc ! Et de regarder les gens, leur visage, ou bien d'ouvrir un livre ch'est un peu tout pareil : à l'oreille ! Ca vient de Jules Mousseron, l'auteur de Cafougnette. Il écrivait les corons ou les baratins du boulot comme un bon musicien, l'écoute absolue. On soupire qu'aujourd'hui l'moule est cassé. Des comme lui, t'en trouve plus ! Qu'avant comme ichi, ch'étot toudis les histoires du patelin, mais ça bouge il est devenu « global » not' patelin, on ne tient plus en place, on voyage ! Chacun continue d'ajouter une pincée de ch'ti dans les mots. Appuyer l'accent, c'est soudain laisser filer la pression, se moquer gentiment de nous-même, fêter des retrouvailles à tour de phrases. La bouche est comme neuve et semble résister à cette langue froide du crin-crin des infos, l'illusion voix-off et les pubs à la con. Mais l' Zeph Cafougnette au fait, l'homme intempestif ? Je me suis demandé longtemps si ça vibrait toujours, j'ai remonté aux sources, suis allé à Denain, je m'suis fait des amis. Avec La Fanfare on a joué l'défilé pendant douze ans, et jusqu'à Marseille en bord d'azur ! Si l' miniss des affaires étrangères à D'nain il nous avait envoyé en ambassade on aurait pas fait moins de kilomètres. La littérature ouvrière est sans frontière, l'international en direct ! Evidemment on ne peut plus se contenter de blagues anciennes, la tradition ch'est bien mais à condition d'actualiser. A c't' heure le spectacle on l'a mis en boîte, Dernier défilé, c'est devenu un DVD, des images et des histoires. Parce que les yeux dans la voix, je peux vous l'murmurer : y a core à dire !

Commentaires

Merci pour ce petit bout de mon pays, sans toi, Jacques, j'aurais peut-être oublié que c'est le pays où je suis née... Je te dois la fieté de pouvoir dire, aujourd'hui, ce que j' avouais (oui, j'en ai honte, mais c'est le mot qui convient...) du bout des lèvres:"je suis du Nord"...
C'est vrai, au temps de mes années-lycée, que tu as partagées, je m'inventais des origines qui me semblaient plus remarquables que mon noir pays, que le métier de mon père (il travaillait à la mine, certes, mais lui, il était ce qu'on appelle un mineur "de jour", c'est-à-dire qu'il ne descendait pas au fond... Ca change tout, n'est-ce-pas?
Moi, je rêvais d'être bretonne, et je devais rêver tout haut, parce que beaucoup de gens le croyaient!
Grâce à toi, je revendique avec fierté ma naissance et mes 18 premières années (celles qu'on n'oublie jamais...) dans le Nord. Plus jamais ne m'effleure la question saugrenue: "mais comment peut-on être du Nord?"
Je dois tout à mon pays natal, ce que j'ai été, ce que je suis devenue, et probablement aussi ce que je serai! je ne m'en étais pas rendu compte jusqu'à présent, mais maintenant je sais que je ne l'oublierai plus jamais...
J'espère de tout coeur que tu passeras un de ces jours par la Sarthe, à moins que je ne puisse me trouver dans le Nord au moment où tu te produis (je suis les dates de tes tournées...). J'ai un fils qui vit près de Lille, il est journaliste à Nord-Eclair, il s'y plaît beaucoup et ça, c'est une raison supplémentaire d'aimer le Nord, non?
Un dernier mot sur ton passage très récent sur France-Inter "Carnets de campagne", tu as été parfait!
A un de ces jours,
Bien à toi,
Marie-Claire Billoir.